quinta-feira, 24 de julho de 2014

Timur Vermes : "Nous ne sommes pas immunisés contre un nouveau Hitler"

 Timur Vermes s'est inspiré du style de "Mein Kampf" pour parodier Hitler dans son livre.
 Son roman "Il est de retour" ressuscite le Führer dans le Berlin actuel. Un best-seller accusé de vouloir 
banaliser le mal. Entretien.

Un prix de vente fixé à 19,33 euros, une couverture représentant la mèche noire et la tristement célèbre moustache, et un pitch croisant Hibernatus et Mein Kampf. Il est de retour est un phénomène en Allemagne, écoulé à plus de 1,5 million d'exemplaires depuis l'automne 2012. Son auteur, le journaliste Timur Vermes, y imagine la résurrection d'Adolf Hitler dans le Berlin bobo et "multikulti" actuel. Consterné de voir l'Allemagne dirigée par une femme "aussi charismatique qu'un saule pleureur", son Hitler 2.0 devient la vedette d'une émission de télévision humoristique et s'apprête à retenter sa chance en politique... Ce best-seller grinçant divise outre-Rhin. Satire salutaire montrant comment un démagogue confirmé aurait aujourd'hui encore plus de latitude avec YouTube et les réseaux sociaux ? Ou, au contraire, farce douteuse, symptomatique d'une époque qui rit de tout, même des épisodes les plus sombres de l'histoire ? Entretien avec Timur Vermes alors que son roman est publié en France.

Le Point : Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de banaliser le mal ?
Timur Vermes : Je montre dans mon livre comment Hitler se réveille et, sans aucun ami et moyen au départ, se retrouve à la fin en mesure de reprendre le pouvoir... Ça me semble être tout le contraire d'une banalisation du mal. En Allemagne, nous nous sommes persuadés que nous serons immunisés contre un nouveau Hitler. Je pense le contraire. C'est évidemment facile d'être démocrate quand le pays est riche. Mais, si les circonstances changent, tout peut aller très vite pour un démagogue... Regardez la Hongrie et l'Italie, où un comique a fondé un parti. Nous sommes convaincus d'être plus intelligents que les générations précédentes, mais on n'a pas tant appris que ça durant ces soixante-dix dernières années.

Votre roman est narré à la première personne. Comment fait-on pour parodier Hitler ?
J'ai longtemps été nègre dans l'édition, c'est donc naturel pour moi de faire le ventriloque. Pour que la satire fonctionne, il fallait que je m'inspire de sa façon d'écrire et de discourir. En lisant Mein Kampf, j'ai découvert qu'il avait un style à part. Le style de quelqu'un de non intellectuel qui essaie de paraître intellectuel. Ce qui donne des phrases très longues, avec plein de synonymes, pour montrer qu'il a du vocabulaire. C'est très risible.

Mais ne craignez-vous pas de le rendre sympathique ?
Le vrai risque était de le dépeindre comme un monstre ou, à l'opposé, comme un simple clown. Dans l'Allemagne d'après-guerre, il était confortable et rassurant de présenter Hitler comme une personne démoniaque. Mais les gens ne votent pas pour un monstre ou un fou : ils votent pour quelqu'un qu'ils trouvent séduisant. Hitler a été élu, et c'est ça le plus effrayant.

En Allemagne, Mein Kampf tombera dans le domaine public fin 2015. Qu'en pensez-vous ?
Le danger n'est pas ce livre profondément ennuyeux. Ce qui doit nous faire réfléchir, c'est que Hitler a réussi à rendre attractif son contenu, à cause de son charisme.

Il est de retour, de Timur Vermes. Traduit de l'allemand par Pierre Deshusses (Belfond, 390 p., 19,33 euros).
-------------
 Propos recueillis par

Nenhum comentário:

Postar um comentário